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l'album imaginaire de marc oreggia blog page d’exemple inscription cabraal l’exorciste (encore lui) publié 11 novembre 2017 dans non classé 0 commentaires (l’aventurier, arnold böcklin) la ferme de brunelune dans laquelle j’avais trouvé refuge pendant l’orage – sûrement le pire orage de la décennie – donnait l’impression d’être en équilibre instable au bord d’un étang truffé de nénuphars gigantesques et étrangement cramoisis, et paraissait vraiment minuscule et biscornue, mais une fois installé à l’intérieur, tout contre l’âtre rubescent, un plaid de laine sur les genoux, assis sur un des siège de chêne ciselés par le vieux, elle vous prenait dans sa chaleur cossue. je tirai un rond de fumée de ma vieille pipe tordue, attendant l’engourdissement. - j’aime son nom. saal. il sonne bien. la combinaison formée par ces quatre lettres me semble excellente, dis-je. j’attache beaucoup d’importance à la sonorité, vous le savez. cabraal, alyaa, et saal. saal me semble bon signe. très bon signe. et puis son aura ne trompe pas. nous ferons une parfaite compagnie, j’en ai l’intuition. il me faut cet enfant. - si vous le dîtes, maître. enfin, je saurais m’en occuper, marmonna alyaa. la jeune femme esquissa une moue dubitative qui échappa au jeune garçon, autant hypnotisé par les arabesques tatouées le long du cou ambré de l’apprentie magicienne que par les longs cheveux noirs qui descendaient en cascade sur sa robe légère et encore à moitié trempée. alyaa porta son regard bleu vers le vieux fermier qui, à cet instant, soulevait le couvercle de la marmite fumante. - ce sera bientôt prêt, messire cabraal. z’êtes bien sûr que vous voulez partir avec le gamin ? l’est pas très futé. du moins, c’est mon avis. sait pas reconnaître une belette d’un écureuil. - laisse le donc, grommela la vieille. de toute manière, l’est pas vraiment à nous, celui-là. fera une bouche de moins à nourrir, c’t’hiver. - disons deux palabres d’or, proposai-je en ouvrant ma bourse. cela me paraît honnête, non ? l’enfant reviendra vous visiter chaque été, cela va de soi. mais dîtes-moi, hum, il ne rechigne pas à marcher longuement, à se lever à l’aube ? est-il joyeux ? - oh, pour ça, oui. - il sait lire ? compter ? - bizarrement, oui. - il ne s’oublie pas au lit, ce genre de choses ? c’est que nous allons faire un long voyage. - lui, non, fit la vieille. l’est plutôt propre. mais si vous pouviez faire quelque chose pour mon vieux… c’est qu’y flatule pas mal. le gamin, qui s’appliquait à ajuster les cuillères de bois le long des assiettes, se mit à rire de bon cœur. - mes pouvoirs sont malheureusement limités, chère madame. m’est avis que votre époux consomme trop de chou, fis-je en humant la potée qui venait d’être servie dans son plat. si vous m’en croyez, cardamome, fenouil, gingembre sont souverains contre les gaz. oh merci, pas plus. - bon appétit, messire. ‘partez dès ce soir ? - non. nous allons dormir ici. du moins, si vous avez de la place. - pour sûr. mais faudra vous contenter de la grange. bien piètre endroit pour des gens de votre rang, mais c’est tout ce que je peux offrir. la vieille va vous préparer un lit avec de la paille et une bonne couverture. l’air est bien frais, vous allez dormir comme des chats. - eh bien, soit. alyaa, vous ne voyez pas d’inconvénient à dormir dans la paille ? ce sera rustique, évidemment. - j’en ai vu d’autres, maître. et j’ai toujours rêvé de passer un moment dans le foin avec vous. s’il n’y avait pas votre gros rat. - rassurez-vous, ce paresseux sommeille depuis notre départ de silène. m’est avis qu’il attend le printemps pour montrer de nouveau son museau. je me demande vraiment pourquoi je m’en encombre. l’enfant s’approcha alors de moi et me regarda – ou plutôt m’observa – étrangement. - je pourrais jouer avec votre rat ? - mais si tu veux. - moi, je suis d’accord pour partir avec vous. - bien. très bien. c’est une très bonne chose. je vais t’apprendre tout un tas de trucs, tu verras. - je peux emmener ma pelle et mon seau ? ils sont faits en bois. j’en aurai besoin, je crois. - mais… eh bien si tu veux. pourquoi pas ? *** la grange était froide, mais du moins était-elle à peu près sèche. nous nous sommes, alyaa et moi, glissés sous notre couverture, un tissu rêche mais suffisamment épais. - si j’ai bien compris, me murmura alyaa, c’est une chance que l’orage nous ait pris sous sa foudre, et que nous nous soyons arrêtés ici. - appelez cela chance, si vous le voulez, alyaa. je préfère y voir un signe, comme je vous l’ai déjà dit. j’ai rêvé de cet enfant, voilà plusieurs lunes déjà. j’ai vu son visage en songe. et le voilà ! je dois l’emmener avec nous, c’est évident. je ne sais pas trop ce que je vais pouvoir en faire, mais il me semble qu’il a quelque chose de spécial. vous avez vu son regard ? ce genre de regard est capable de voir l’invisible. vous avez le même regard, c’est pour ça que je vous ai choisie il y a plusieurs années maintenant. - vous allez en faire votre élève ? tout comme moi ? - je ne sais pas encore. c’est possible. ce qui est certain, c’est que je dois l’emmener avec moi. l’avenir nous dira pourquoi ce gamin a croisé notre route. je ne parvenais pas à trouver le sommeil. alyaa non plus, apparemment. - nous serons arrivés la semaine prochaine à er ? - plutôt dans trois jours. tout se passera bien. - une chose m’intrigue, ou m’inquiète, cependant. si j’ai bien saisi, la cour du roi ammon n’a plus d’exorciste. c’est bien pourquoi on vous a fait chercher. mais à ce que je sache, vous n’êtes pas prêtre, mais sorcier. et encore moins exorciste. - je ne suis pas exorciste, en effet. et jusqu’alors, j’ai toujours tenu cette engeance éloignée. mais qu’à cela ne tienne. j’ai de bons livres. le démonologue de hieromantus ne me quitte jamais. ma théorie est que ce que certains appellent la foi n’a aucun pouvoir sur les démons. la magie seule, une magie équilibrée, saine et rationnelle, peut en venir à bout. je pense avoir prouvé que les démons ne me font pas peur. n’avons-nous pas il n’y a pas si longtemps croisé la route d’avatars d’orcus ou de moloch ? nous en sommes revenus vivants, à ce que je sache. - combattre des avatars est une chose, maître. repousser des démons en est une autre. je ne sais vraiment pas dans quoi nous allons fourrer notre nez. - il se trouve que le roi ammon rencontre quelques problèmes. la lettre adressée par ses ministres évoque une… possession. mais ne vous inquiétez pas, alyaa. et nous sommes trois, maintenant. - quatre, si l’on compte le rat. - quatre, en effet. l’affreux ne compte pas pour rien. *** l’auberge du hibou assoiffé se trouvait à deux journées de marche de la cité de er. j’y étais déjà descendu et y avais mes habitudes. le tenancier, un homme gris et voûté, me donna sa meilleure chambre, qui comptait trois lits. nous allions enfin pouvoir dormir au sec et dans des conditions acceptables. saal semblait vivement intéressé par mes pouvoirs. durant notre souper, il n’avait cessé de me questionner sur la façon de lancer des sortilèges, et j’avais promis de lui faire une démonstration avant qu’il ne s’endorme. - vois-tu, mon garçon, le monde est fait de quatre grands éléments, le feu, la terre, l’air, et l’eau. ils entrent dans la composition de tous les sorts que des artisans de la magie peuvent produire. - montrez-moi, cabraal ! montrez-moi un tour ! - les cendres, comme celles que peut produire ma pipe, me sont utiles pour représenter le feu. je porte toujours sur moi un peu d’eau, et de la terre, bien entendu. quant à l’air, eh bien, une dose de rien fait généralement l’affaire. une fois ces composants réunis, dans des proportions précisément déterminées et compilées dans tout bon livre de magie (mais les livres ne sont pas tout, il y a le savoir-faire, bien sûr), le sorcier y ajoute l’élément corporel : ses passes, ses mouvements de doigts, si tu veux (je tournai plusieurs fois ma main droite sur elle-même, l’index levé vers l’une des poutres du plafond, pour lui montrer). - et ensuite ? - ensuite v